2 avril

Leil avait choisie une très belle photo cette semaine.

Madame,

vous ne me connaissez pas et, il y a peu, j’ignorais encore votre existence. Vous dire mon nom ne servirait à rien : il n’est pas le vôtre. Je ne vous donnerai qu’une date : 2 avril 1989. Cela devrait vous rappeler  quelque chose puisque, si je ne m’abuse, vous m’avez donné la vie ce jour-là dans une petite clinique du Mans. Vous êtes ensuite partie, laissant une lettre pour tout héritage. Vous y disiez votre jeunesse, votre solitude, la précarité de votre situation. Pour ma part, j’ai connu l’amour d’une famille unie. Mes parents (je les ai toujours nommés ainsi) m’ont tout donné : la confiance, la fidélité, l’amour, la sécurité. J’ai grandi heureux et entouré. Il y a peu, maman est morte et papa a souhaité me dire la vérité. Ils n’avaient pu le faire avant : ma mère ne pouvait se résoudre à me dire la vérité. Elle avait peur de me blesser et peut-être aussi de me perdre.

Je ne leur en veux pas car ils sont et resteront ma famille. Vous êtes simplement celle qui m’a déposé sur terre pour me donner à eux. Un véhicule en quelque sorte. Une cigogne dirait-on dans les contes.

Je ne vous écris pas pour vous reprocher quoi que ce soit.

Je ne vous écris pas pour vous donner un rendez-vous.

Vous ne connaîtrez ni mon nom ni mon adresse.

J’écris simplement pour vous dire merci.

Merci de m’avoir fait naître.

Merci de m’avoir permis de connaître ma famille.

Merci de m’avoir fait grandir dans l’amour.